
Le 15 avril 2019, un violent incendie ravageait Notre-Dame de Paris. Puis, le 19 octobre 2019, le Hall d’Etat du château de Shuri-jô à Naha (Okinawa, Japon) était à nouveau détruit par un incendie. Ce n’était pas la première fois que ces monuments subissaient des destructions traumatisantes. Et, chaque dégradation a suscité l’aspiration des gens à les faire revivre tels qu’ils étaient. Cette fois encore, la grande émotion exprimée par l’opinion publique a conduit à la décision, dans les deux cas, de restaurer “Com’era Dov’era” [Comment c’était là où c’était] les monuments dans leur état original. Pourquoi ?
C’est dans ce contexte que le professeur Toshiyuki Kono de l’université de Kyushu, alors président de l’ICOMOS, a eu l’idée d’organiser une exposition. Le thème de l’exposition est la reconstruction post-traumatique de ces deux sites, établissant un parallèle entre eux.
Cette idée a pris forme, et une coopération a été établie entre son équipe à l’Université de Kyushu, ICOMOS France, et des experts invités, notamment le CNRS dans le cadre du Chantier Scientifique Notre-Dame de Paris et l’Université Paris-Sorbonne.
Cette exposition internationale, “Revivre après une catastrophe, restauration de Notre-Dame de Paris et du château de Shuri-jô“, qui devait initialement voyager, s’est transformée, en raison de la pandémie, en une exposition virtuelle en trois langues, japonais, français et anglais.
Dans les deux cas, au Japon et en France, la décision a été prise de restaurer/reconstruire les monuments dans leur état d’origine.
Pour quelles raisons ? Avec quelles conséquences sur la valeur patrimoniale et sociétale des bâtiments ? Cette décision semble rompre avec les doctrines de conservation du patrimoine fondées sur l’authenticité matérielle puisque le matériel historique a disparu dans l’incendie. Pourtant, l’opinion publique s’est prononcée sans hésitation pour le retour des bâtiments à leur état antérieur à l’incendie, et les décideurs publics ont été dans le même sens. Pourquoi ?
Cette exposition virtuelle offre une occasion concrète de discuter de l’acte de restauration du patrimoine post-traumatique à travers ces deux cas emblématiques en réfléchissant aux réponses des deux pays à la destruction.
L’exposition ne se contente pas de fournir des images des dégâts actuels, mais décrit également l’histoire et l’évolution des deux monuments, avec les références nécessaires à la philosophie de restauration (internationale) et à la manière dont l’approche de la restauration a évolué au fil du temps. Elle aborde également la façon dont les gens ont réagi aux incendies, leurs émotions et leurs souvenirs, et enfin, les reconstructions et travaux actuels visualisés et testés par rapport au concept d’authenticité.
Le patrimoine est fait des matérialités de sa construction, de l’usure du temps et de l’usage, et des expériences humaines, des émotions, des souvenirs et des attachements : il est immatériel autant que matériel.
Notre-Dame et Shuri-jô, surmontant les profondes blessures des incendies qui les ont touchées, ont pu réussir leur renaissance grâce à la force de leurs valeurs architecturales historiques et sociales. Elles contribuent de manière significative à l’évolution doctrinale de la conservation du patrimoine et au rôle central de la valeur immatérielle.
Le symposium scientifique marquant le lancement du site web a eu lieu les 14 et 15 mars 2022, en direct entre le Japon et la France. Il a rassemblé les meilleurs experts des deux pays et 180 internautes téléspectateurs.
Dans un premier temps, les dommages infligés aux deux monuments ont été examinés. Puis, dans la deuxième session, leur longue histoire et leur évolution dans le temps, avec les références nécessaires à la philosophie de la restauration (internationale) et à la manière dont l’approche de la réhabilitation a évolué.
Ensuite, les réactions des gens aux incendies, leurs émotions et leurs souvenirs ont été longuement analysés, éléments essentiels qui ont pesé lourd dans la décision de reconstruire à l’identique.
La quatrième et dernière session a été consacrée aux sites de reconstruction et aux travaux en cours, visualisés et testés à l’aune du concept d’authenticité.
Les interventions et les débats ont été intégralement retranscrits et publiés sur YouTube en trois langues (français, japonais et anglais).
Le général Jean-Louis Georgelin, général d’armée, président de l’établissement public chargé de la restauration et de la conservation de Notre-Dame de Paris, a clôturé la conférence.