ICOMOS : 60 ans de leadership pour la préservation du patrimoine
Au commencement était…
Depuis 60 ans, notre organisation se distingue comme leader mondial dans le domaine du patrimoine culturel, alliant expertise scientifique, collaboration multiculturelle et capacité d’adaptation aux défis.
Fondée en 1965 à Varsovie, en Pologne, pour répondre aux besoins croissants de coopération internationale en matière de conservation du patrimoine culturel – notamment dans le contexte des reconstructions d’après-guerre, l’action de l’ICOMOS reflète depuis lors un engagement inébranlable en faveur de la sauvegarde du patrimoine culturel en tant que valeur essentielle à transmettre aux générations futures.
Sa fondation s’est inscrite dans la continuité des principes énoncés dans la Charte de Venise de 1964, qui demeure aujourd’hui encore la référence principale en matière de conservation du patrimoine à l’échelle mondiale. Si l’ensemble de ses postulats restent d’actualité, trois d’entre eux caractérisent profondément la construction de l’ICOMOS durant ses 60 années d’existence : notre responsabilité commune « vis-à-vis des générations futures » de préserver le patrimoine culturel, notre devoir de le « transmettre dans toute la richesse de [son] authenticité », et enfin, notre mission de développer des « principes qui doivent présider à la conservation et à la restauration des monuments [et qui doivent être] dégagés en commun et formulés sur un plan international, tout en laissant à chaque nation le soin d’en assurer l’application dans le cadre de sa propre culture et de ses traditions ».
Dès ses débuts, l’ICOMOS œuvre sans relâche à augmenter sa représentativité dans le monde et à organiser ses réseaux en comités nationaux et scientifiques. Le premier comité scientifique, consacré à la conservation de la pierre, est créé en avril 1966. Le développement de l’organisation et de son réseau international a permis à ICOMOS de travailler en étroite collaboration avec d’autres organisations internationales ; depuis septembre 1966, l’ICOMOS est reconnu comme organisme consultatif auprès de l’UNESCO. En 1982, ICOMOS lance pour la première fois la Journée internationale des monuments et des sites, journée adoptée par l’UNESCO un an plus tard. L’organisation joue ainsi un rôle prépondérant dans des actions de sensibilisation et de promotion de la diversité du patrimoine, mais aussi dans les efforts de protection et de conservation de ces patrimoines.
Depuis plus d’un demi-siècle, l’ICOMOS a joué un rôle clé dans la promotion des échanges multidisciplinaires et multiculturels et s’est fait connaître grâce à plusieurs axes d’influence :
Au service des sciences de la conservation : les Comités et groupes de travail de l’ICOMOS
L’ICOMOS est présent dans le monde entier grâce à ses 12 000 membres individuels issus de 132 pays et territoires, organisés en 110 comités nationaux, 31 comités scientifiques internationaux et cinq groupes de travail internationaux témoignent de son expansion mondiale.
Les comités scientifiques, organes de l’ICOMOS et véritables espaces d’échange réunissant des experts venus des quatre coins du monde, mènent des travaux de recherche, élaborent des théories et des méthodologies sur des thèmes spécifiques, préparent des chartes et des lignes directrices, et identifient les bonnes pratiques pour la gestion et la conservation du patrimoine, y compris l’utilisation de nouvelles technologies.
Les résultats de leurs travaux attestent de la pertinence des méthodologies, comme la Charte de l’ICOMOS de 1996 sur la protection et la gestion du patrimoine culturel subaquatique, qui définit les meilleures pratiques en matière d’activités archéologiques sous-marines. Cette charte a servi de base à la Convention de l’UNESCO de 2001 sur la protection du patrimoine culturel subaquatique.
Leurs plaidoyers, comme celui émanant en 2024 du Comité scientifique international du patrimoine aérospatial (ISCoAH) concernant la protection du patrimoine lunaire, témoignent de l’innovation permanente dans les stratégies de conservation de l’ICOMOS. Les méthodologies et les outils de résilience climatique développés par le groupe de travail sur l’action climatique (CAWG) confirment la nécessité de renforcer les liens entre le patrimoine culturel et les sciences du climat.
Depuis la création du premier comité scientifique en 1966, les nouveaux comités scientifiques et groupes de travail, consacrés entre autres aux questions énergétiques, au développement durable et aux peuples autochtones, témoignent de l’innovation permanente dans les stratégies de conservation et assurent une présence indispensable de l’ICOMOS dans les débats scientifiques actuels au niveau mondial.
Alliances et partenariats stratégiques
Depuis ses débuts, l’ICOMOS a recherché des collaborations avec des organisations non gouvernementales (IUCN, ICOM, OVPM, Getty, TICCIH, Docomomo, etc.) et des organisations intergouvernementales (UNESCO, Conseil de l’Europe, Institutions européennes, ICCROM, Banque mondiale, etc.) pour promouvoir des politiques inclusives de protection du patrimoine respectueuses des spécificités culturelles. Depuis 1972, l’ICOMOS est l’organe consultatif pour le Comité du patrimoine mondial, et cette collaboration lui permet de jouer un rôle essentiel dans l’identification, l’évaluation et le suivi des sites du patrimoine mondial dans le monde entier. Plus récemment, de nombreux projets ont vu le jour avec le soutien et en partenariat avec des organisations telles que l’African World Heritage Fund, ALIPH, la National Geographic Society, Europa Nostra, Davos Alliance, Climate Heritage Network (CHN), Historic England, l’International National Trust Organisation (INTO)…
Un patrimoine pour tous : l’approche globale et humaine de l’ICOMOS
L’ICOMOS s’est toujours engagé face aux nouveaux défis et thèmes de recherche, tels que la sauvegarde des villes et des villages, la protection et la valorisation du patrimoine archéologique et subaquatique, la conservation des jardins et le développement de la notion de paysage culturel, ou encore le développement durable, les connaissances autochtones et l’utilisation éthique des technologies. Qu’il s’agisse du changement climatique ou des conflits et catastrophes naturelles, l’ICOMOS s’est engagé à adapter continuellement ses approches pour protéger le patrimoine en péril. Soucieux d’améliorer la protection du patrimoine dans le monde en situation d’urgence, comme les conflits armés, les catastrophes naturelles et les catastrophes d’origine humaine, l’ICOMOS s’est allié en 1996 au Conseil international des archives (ICA), au Conseil international des musées (ICOM) et à la Fédération internationale des associations et institutions de bibliothécaires et d’informaticiens (IFLA) pour créer le Bouclier bleu International. La Journée internationale des monuments et des sites, lancée le 18 avril 1982, célèbre chaque année des thématiques qui sensibilisent au patrimoine et créent des opportunités pour les échanges interculturels.
Des ateliers, séminaires et workshops sont régulièrement organisés à travers le monde, avec une attention particulière portée aux jeunes professionnels émergents. De nombreuses études, rapports et recommandations sont publiées dans plusieurs langues et disponibles sur la plateforme PUBLICOMOS, qui recense des documents dans plus de 50 langues et un catalogue complet des publications de l’ICOMOS depuis sa création en 1965. On y trouve par exemple l’étude globale effectuée par l’ICOMOS entre 1987 et 1993 pour la définition de la Stratégie Globale lancée en 1994 par le Comité du patrimoine mondial pour une Liste du patrimoine mondial équilibrée, représentative et crédible. Les travaux de l’ICOMOS concernant l’action climatique, comme par exemple la publication de 2019 « L’avenir de notre passé : Engager le patrimoine culturel dans l’action pour le climat », qui est devenue une référence mondiale pour les gestionnaires de sites, les scientifiques, les chercheurs, mais aussi pour les militants pour le climat et les acteurs politiques.
En 2007, l’ICOMOS a initié une réflexion sur les approches fondées sur les droits dans la conservation et la gestion du patrimoine, en réponse à une prise de conscience croissante de l’importance des droits de l’homme. Cette réflexion a donné lieu en 2011 à la création du groupe de travail international Our Common Dignity – Rights-Based Approaches (OCD-RBA), composé de membres de plusieurs pays (Norvège, Inde, Afrique du Sud, Australie), avec le soutien d’autres organisations consultatives de la Convention du patrimoine mondial (ICCROM, UICN). À la suite de la Déclaration de Pretoria de 2013, qui constitue un tournant en affirmant que les droits de l’homme doivent être placés au cœur des pratiques de conservation du patrimoine, l’Assemblée générale de l’ICOMOS de 2018 approuve la Déclaration de Buenos Aires. Cette dernière encourage les membres à respecter le consentement libre, préalable et éclairé des communautés, et à intégrer les détenteurs de droits dans toutes les étapes de la gestion du patrimoine. Depuis, le groupe de travail OCD-RBA élabore progressivement des ressources pratiques pour aider les professionnels du patrimoine à intégrer les droits humains à leurs pratiques. Initialement centrée sur le patrimoine mondial, l’approche RBA s’étend aujourd’hui à l’ensemble du patrimoine culturel, avec une attention particulière portée aux mémoires de conflits, aux minorités et aux peuples autochtones.
Une approche pluridisciplinaire et impartiale
Depuis 60 ans, l’ICOMOS fournit un leadership scientifique incontestable selon une approche pluridisciplinaire et internationale. L’ICOMOS établit des normes internationales qui renforcent le professionnalisme du domaine, telles que la Charte sur le tourisme culturel en 2022 ou la Charte sur le patrimoine culturel immatériel en 2024. Les interactions entre les membres, experts du monde entier, permettent d’enrichir les solutions grâce à la diversité des approches proposées. Les membres de l’ICOMOS développent des approches en toute indépendance professionnelle et fournissent des recherches fondées sur des critères scientifiques et techniques. Cette impartialité assure une crédibilité incontestable à leurs travaux.
Enfin, l’ICOMOS constitue un réseau mondial où les connaissances sont partagées, contribuant ainsi à la formation de la prochaine génération de professionnels du patrimoine. Les initiatives de l’ICOMOS ne se limitent pas aux spécialistes, mais incluent également les communautés locales et les peuples autochtones, car le patrimoine est une richesse commune à tous.
Priorités d’action de l’ICOMOS
Dans le monde actuel, le contexte dans lequel nous opérons a évolué et de nouveaux défis et de nouvelles perspectives doivent être pris en compte lors de la protection du patrimoine culturel : le développement durable, la culture comme objectif indépendant dans l’agenda post-2030 de l’ONU, les connaissances autochtones, la résilience des communautés locales, l’innovation technologique et l’intégration des nouvelles technologies, ainsi que la nécessité croissante de définir une utilisation éthique de la technologie pour la conservation et la restauration des monuments. Nous devons agir et nous adapter au changement climatique en mettant en avant des solutions fondées sur le patrimoine culturel. Les effets du climat sur les sites patrimoniaux exigent des stratégies robustes au-delà de l’agenda 2030. La protection du patrimoine dans les zones de conflit ou en situation de crise, ainsi que le soutien et l’accompagnement de nos membres restent un défi majeur pour l’ICOMOS !
Enfin, le rôle de l’ICOMOS est de réunir des experts internationaux pour prendre en compte ces nouvelles perspectives, mais aussi pour relever les défis et façonner l’avenir du patrimoine culturel. En partageant les meilleures pratiques et les connaissances de l’ICOMOS, nous aidons à intégrer la préservation du patrimoine dans des initiatives plus vastes de développement durable, et nous garantissons ainsi qu’il demeure un élément essentiel du quotidien des communautés.
Teresa Patrício, Présidente de l’ICOMOS