ICOMOS Liban - Déclaration de préoccupation sur la destruction d’un paysage culturel

ICOMOS Lebanon Statement of Concern Nahr el Kalb

ICOMOS International vous invite à lire et à partager la Déclaration de préoccupation d'ICOMOS Liban concernant la vallée de Bisri et le projet de barrage hydraulique, Chouf/Jezzine, Liban :

"Le Conseil International des Monuments et Sites du Liban (ICOMOS-Liban), Organisation Non Gouvernementale représentant la communauté nationale du patrimoine, est très préoccupé par le projet de construction d’un barrage hydraulique dans la Vallée historique de Bisri, située dans les régions montagneuses du Chouf et de Jezzine au sud de Beyrouth. Suite à la consultation de la totalité de la documentation accompagnant le projet, ainsi que des rapports établis par divers experts, notamment le ‘Rapport d’Evaluation des Impacts Environnementaux et Sociaux’ Vol. 1 établis par le CDR en 2014, ICOMOS-Liban estime que l’état actuel des données est insuffisant pour justifier la destruction des biens du patrimoine culturel de la vallée de Bisri, dont le paysage est luimême partie intégrante. Suffisamment de preuves suggèrent aujourd’hui que la valeur patrimoniale de la vallée de Bisri est unique, voire même exceptionnelle à l’échelle régionale ou universelle. Il est également évident que cette valeur est en corrélation avec le contexte du site et ses richesses patrimoniales. Outre le désastre écologique et archéologique qu’il implique, le projet du barrage engendrera une perte irrévocable de la valeur patrimoniale de toute la région et affectera le potentiel d’inscription au Patrimoine Mondial d’un site inscrit actuellement sur la liste indicative de l’UNESCO, le Temple d’Echmoun, complexe religieux phénicien dédié au dieu phénicien titulaire de Sidon, caractérisé par son culte de l’eau de dieu guérisseur.

La vallée fertile de Bisri est le fruit de la convergence d’un réseau comprenant les vallées du Awali, du Barouk et d’Array, qui renferment plusieurs sites d’occupation et d’activités humaine comme en témoignent les vestiges archéologiques. Les périodes d’occupation de la vallée couvrent tout le spectre de l’histoire humaine dans la région depuis la préhistoire (paléolithique, néolithique et chalcolithique), aux périodes historiques (Cananéenne pendant l’âge du Bronze, Phénicienne, Babylonienne / Perse pendant l’âge du Fer, ainsi que les périodes hellénistique, romaine et byzantine, jusqu’aux périodes arabe et ottomane). Leur importante est principalement attribuée à l’existence de deux routes historiques, dont une voie romaine reliant Saida (Sidon) et Sour (Tyr) à Jezzine et à la Vallée de la Bekaa ainsi qu’à l’arrière-pays de la région du haut Chouf. Villes, villages, forts, temples, églises et nécropoles composent le riche paysage culturel de ces vallées. Avec le déclin du rôle économique de Saida, au cours des derniers siècles, de nombreux sites dans ces vallées ont été abandonnés, alors que le développement urbain de ces dernières années n’a pas eu d’impact direct sur eux. En conséquence, ces vallées et en particulier la vallée de Bisri compte les sites les mieux préservés du Mont Liban.

Les vallées susmentionnées constituent un paysage culturel de grande valeur, qui peut être unique ou du moins exceptionnel à l’échelle régionale et universelle. Elles comprennent aussi une ancienne route de commerce et de communication, qui pourrait aussi avoir une haute importance régionale ou universelle.

La vallée de Bisri est située sur la faille sismique de Roum qui a façonné sa topographie singulière qui la distingue d’autres vallées des montagnes libanaises. Inhabituellement plate et fertile, elle a été cultivée depuis l’Antiquité. La continuité de son occupation rurale et agricole depuis la préhistoire jusqu’à nos jours a été prouvée par des prospections archéologiques, qui révèlent 77 sites archéologiques qui sont en danger et pourraient être noyés par le projet du barrage. Parmi ceux-ci : les vestiges d’un grand temple romain, une structure voutée remontant à la période byzantine, l’église de Mar Moussa et les vestiges environnants qui ont une valeur associative importante pour la communauté locale, en rapport au contexte de la vallée.

A cet égard, la vallée de Bisri à elle seule constitue un paysage culturel unique où les activités agricoles, commerciales et culturelles se sont entremêlées au cours des siècles.

Il est également fort probable que le Temple de Bisri partage une histoire commune avec le temple d’Echmoun, édifice phénicien monumental dédié au dieu guérisseur et titulaire de Sidon, qui se situe à 15km en aval de la vallée de Bisri. Cela est principalement dû à l’emplacement des deux temples aux deux extrémités du fleuve Awali, appelé « fleuve d’Echmoun » à la période phénicienne. Aujourd’hui, seules quatre colonnes du temple de Bisri sont visibles et remontent à la période romaine. Les archéologues soupçonnent qu’un temple plus ancien de la période phénicienne pourrait exister sous les vestiges du temple romain, et qu’un chemin de pèlerinage aurait pu le relier au temple d’Echmoun.

Le temple d’Echmoun étant inscrit sur la liste indicative du patrimoine mondial de l’UNESCO, il est fort important que le lien associatif avec Bisri soit bien exploré. Un autre aspect crucial est la relation entre le temple d’Echmoun et les sources d’eau environnantes qui lui sont historiquement associées au travers son culte de l'eau curative. Ces sources pourraient s‘assécher si le barrage est construit, ce qui compromettrai le potentiel d’inscription du site au Patrimoine Mondial.

A ce jour il n’existe aucune étude, recherche ou même analyse comparative qui nous permettraient d’accepter ou de justifier la destruction imminente de la vallée de Bisri et des biens culturels qu’elle contient. Les recherches ont été réalisées sans aucune étude approfondie de l’occupation et de l’exploitation des terres millénaires et en l’absence de fouilles archéologiques systématiques sur un secteur pourtant destiné à disparaitre.

NB:
- L’ICOMOS-Liban souhaite également souligner que la construction du barrage hydraulique constitue une infraction directe du Schéma Directeur d’Aménagement du Territoire Libanais qui stipule que la vallée de Bisri est un paysage naturel exceptionnel qui doit être protégé, ainsi qu’une violation du Décret N° 1-131 1/09/1998 issu du Ministère de l’Environnement classifiant le site comme zone naturelle protégé.
- Il est aussi important de noter que la population locale et les municipalités de quatre villages : Mazraat el-Chouf, Bsaba, Amatour et Bater, entourant la vallée de Bisri, ont retiré leur soutien au projet de barrage et rejettent maintenant sa construction.


Compte tenu de tous les éléments mentionnés ci-dessus, L’ICOMOS-Liban affirme que la construction du barrage hydraulique dans la vallée de Bisri pourrait pourrait conduire à :
- Nuire irrémédiablement à l’intégrité du contexte environnemental des paysages culturels des vallées du Chouf/Jezzine lesquelles possèdent une valeur exceptionnelle
- Endommager irrémédiablement l’antique route de communication et de commerce reliant la côte et l’ancien port de Sidon aux montagnes environnantes et à l’arrière-pays libanais
- Endommager irrémédiablement un paysage culturel particulièrement riche où agriculture, commerce et activités culturelles se sont entremêlées au cours des siècles, et qui pourrait être unique ou exceptionnel dans le contexte régional ou universel
- Endommager irrémédiablement le potentiel de classification ou de valorisation d’autres sites, principalement le temple d’Echmoun inscrit sur la liste indicative du patrimoine mondial
- Détruire d’importantes sources d’information, principalement archéologiques, qui n’ont pas encore été explorées
- Fortement affecter les communautés locales qui comptent sur les activités agricoles millénaires pour leur subsistance, et qui partagent des liens associatifs très forts avec certains des sites culturels de la vallée, menacés par le barrage.

En conséquence :
ICOMOS-Liban exige la suspension immédiate du projet de barrage dans la vallée de Bisri, et l’élaboration d’un plan d’action pour une étude exhaustive du patrimoine culturel de la vallée, prenant en compte l’ensemble des éléments mentionnés ci-dessus.

ICOMOS-Liban demande aussi qu’une telle étude soit suivie d’une étude d’évaluation d’impact patrimonial impartiale (Heritage Impact Assessment HIA) qui évaluerait de manière approfondie l’impact du barrage sur la valeur culturelle de la vallée de Bisri.

ICOMOS-Liban s’attend aussi à l’engagement de tous les acteurs du projet pour entériner les recommandations de ce plan d’action et du rapport d’évaluation d’impact sur le patrimoine.

 


Voir aussi

Picto doigtLisez la déclaration d'ICOMOS Liban en anglais, français et arabe.


Crédits:
- Trois des quatre colonnes de granit monolithique du temple romain de Bisri, 2015 © ICOMOS Liban

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