H@R! : Heritage at Risk / Patrimoine en Péril



LUXEMBOURG


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Au Luxembourg le patrimoine est avant tout menacé par le manque de connaissance et de compréhension, le besoin exagéré d’assainissement et d’amélioration, l’abondance de moyens financiers.

Au niveau d’objets importants, l’aspect extérieur est en général sauvegardé sans trop de problèmes. Du moment qu’il s’agit cependant de réaffecter un édifice, les éléments intérieurs sont sacrifiés sans hésitation : les murs de séparation sont enlevés afin de permettre la création d’espaces plus grands, les plafonds en bois sont remplacés par des dalles en béton, les marches des escaliers doivent garantir une circulation aisée, les ascenseurs sont indispensables, les charpentes historiques sont démolies pour permettre l’implantation de nouvelles fonctions dans les combles. Ces exemples de destruction pourraient être multipliés à l’infini : dallages, portes, fenêtres, stucs etc. Les propriétaires de monuments éprouvent souvent le besoin d’améliorer la situation historique conformément à un état idéal qui n’a cependant jamais existé. Une ferme restaurée ressemble souvent davantage à un petit manoir qu’à une demeure de paysans.

Les menaces qui pèsent sur le patrimoine moins ou peu spectaculaire sont d’un autre genre. Il arrive encore que les services responsables des routes envisagent la démolition d’une maison ou d’un hangar, parce que ces édifices gênent la circulation. Si de tels projets sont réalisés, ils causent toujours des déchirures dans le tissu villageois qui est le résultat d’un long développement harmonieux. Ils entraînent nécessairement une uniformisation qui, à la limite, anéantit l’identité et la spécificité d’une localité. Les trottoirs revêtus de pierres artificielles étrangères au site achèvent ce processus. Comme la circulation ne rencontre plus d’obstacle, la vitesse augmente. Afin de garantir la sécurité des piétons, il est nécessaire de mettre en place des feux ou des bacs à fleurs. Le village devient une petite ville où le piéton n’a plus de place.

Comme le nombre de la population augmente, la construction de nouveaux logements devient de plus en plus urgente. Les prix des terrains poussent souvent les promoteurs à acheter de vieilles maisons qu’ils font démolir pour y construire des résidences. Si en soi la création d’ensembles d’habitations est louable, elle entraîne malheureusement dans ces cas la destruction d’éléments importants du patrimoine rural ou urbain. En plus, les nouveaux édifices ne tiennent pas nécessairement compte du contexte dans lequel ils s’insèrent. Le promoteur s’intéresse évidemment à sa marge bénéficiaire et non pas à la qualité de l’architecture. Il veut avant tout rentabiliser le terrain qu’il a acquis. Il a en plus l’avantage de pouvoir payer des prix qui dépassent la portée de particuliers prêts à restaurer un immeuble ancien. Les victimes de cette évolution sont, dans les villages, les fermes abandonnées et dans les villes, outre les maisons bourgeoises, les anciennes exploitations agricoles ou artisanales situées dans les faubourgs.

L’augmentation des ressources financières se fait aussi sentir d’une manière très brutale dans les cimetières qui ressemblent de plus en plus à des expositions de matériaux exotiques. Les granits et les marbres employés proviennent de toutes les parties du monde. Les monuments anciens, par exemple néogothiques, réalisés par des sculpteurs de la région, sont remplacés par des constructions banales découpées à la machine. Comme les plantes demandent trop d’entretien, elles n’ont aucune chance par rapport aux dalles polies et brillantes qu’il suffit de nettoyer une fois par an au jet d’eau. En général, les pouvoirs publics ont capitulé devant cette attitude et faute de moyens de contrôle, même des cimetières protégés ont perdu tout caractère. Dans la mesure où ils se trouvent près d’églises classées, même celles-ci s’en trouvent défigurées.

La décomposition de la pierre sous l’influence de différents facteurs constitue une sérieuse menace pour les innombrables croix de chemin qui font partie du paysage traditionnel. Ces monuments étaient en général recouverts d’une couche de polychromie, ce qui constituait une protection qui était régulièrement renouvelée. Le manque d’intérêt et le besoin d’authenticité ont conduit à l’abandon de cette pratique. Résultat : la pierre apparente et nue est exposée aux intempéries auxquelles elle ne résiste pas. D’autres sculptures ont été soumises à un traitement hydrophobe qui empêche l’évacuation de l’humidité, ce qui cause la décomposition de la pierre. Cette menace pèse surtout sur le grès et le schiste d’ardoise. L’emploi de moyens de nettoyage inappropriés, appliqués en plus beaucoup trop souvent, crée des dangers supplémentaires.

Tous ces risques échappent en général aux autorités responsables de la conservation du patrimoine qui ne disposent pas de mesures assez efficaces ou de moyens d'information et de persuasion suffisants.

Steinsel, croix de chemin abîmée

Le grès de Luxembourg constitue dans l'ensemble une pierre assez tendre et par conséquent facile à travailler. Si dans une première phase elle résiste assez bien aux conditions atmosphériques, elle perd cependant toute dureté au bout de quelques années. Cette constatation a mis fin à l'exploitation des gisements à quelques exceptions près. Par le passé on a en général utilisé des matériaux de construction provenant de l'environnement du chantier. Cette pratique explique l'utilisation de pierres très friables. Dans la mesure où celles-ci sont protégées, leur conservation pose moins de problèmes. Tel n'est cependant pas le cas pour la majeure partie des croix de chemin destinées à être posées à l'extérieur, le plus souvent au bord d'une route.

Récemment la Commune de Steinsel a fait procéder à la remise en état de tous ses calvaires. L'examen des pièces a révélé que quelques monuments sont fortement abîmés. La croix située entre Steinsel et Hunsdorf a pratiquement perdu tous ses reliefs et toutes ses inscriptions. Une barre en fer fixée à l'arrière avait provoqué l'effritement de nombreux éléments.

Les trous ont finalement été rebouchés à l'aide d'une pierre reconstituée. Pour donner un aspect harmonieux à l'ensemble et pour protéger le grès originel, le tout a été revêtu d'une couche de peinture à la chaux. Celle-ci devra être renouvelée régulièrement. La lisibilité des reliefs n'a pas pu être reconstituée.

Ce cas est exemplaire pour la menace qui pèse sur ces monuments de l'art et de la piété populaires.

Septfontaines, sauvetage d'une maison

A Septfontaines, l'Administration des Ponts et Chaussées, en collaboration avec l'Administration Communale, a procédé au redressement de l'artère principale de la localité qui est une route nationale. Dans le cadre de ces travaux était prévue la démolition d'une maison historique remontant, dans son aspect actuel, à la fin du 18e siècle. Comme la demeure n'était plus habitée depuis une vingtaine d'années, l'intérieur n'avait pas été modifié et conservait sa disposition originelle. L'édifice revêtait cependant avant tout une importance capitale pour la conservation du tissu villageois. Il se situe, en effet à l'angle d'un croisement et est complètement dégagé sur tous les côtés. Sa disparition aurait créé un espace vide au milieu du village. Quand le Service des Sites et Monuments nationaux a eu connaissance du projet de démolition, il a fait procéder à l'inscription de l'immeuble à l'inventaire supplémentaire des monuments nationaux. Des pourparlers ont été entamés avec les administrations concernées et les propriétaires. Finalement, la maison, classée monument national entretemps, a pu être sauvée. Elle est actuellement en voie de restauration. Malheureusement d'autres villages ont été défigurés par des démolitions de ce genre.


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