La Charte d'Athènes pour la Restauration des Monuments Historiques - 1931
Adoptée lors du premier congrès international des architectes et techniciens des monuments historiques, Athènes 1931
Sept résolutions importantes furent présentées au congrès d'Athènes et appelées "Carta del Restauro":
- Des organisations internationales prodiguant des conseils et agissant à un niveau opérationnel dans le domaine de la restauration des monuments historiques doivent être créées.
- Les projets de restauration doivent être soumis à une critique éclairée pour éviter les erreurs entrainant la perte du caractère et des valeurs historiques des monuments.
- Dans chaque État, les problèmes relatifs à la conservation des sites historiques doivent être résolus par une législation nationale.
- Les sites archéologiques excavés ne faisant pas l'objet d'une restauration immédiate devraient être enfouis de nouveau pour assurer leur protection.
- Les techniques et matériaux modernes peuvent être utilisés pour les travaux de restauration.
- Les sites historiques doivent être protégés par un système de gardiennage strict.
- La protection du voisinage des sites historiques devrait faire l'objet d'une attention particulière.
Conclusions de la Conférence d'Athènes, 21-30 Octobre 1931
Conclusions générales
I. - Doctrines. Principes généraux
La Conférence a entendu l'exposé des principes généraux et des doctrines concernant la protection des Monuments.
Quelle que soit la diversité des cas d'espèces dont chacun peut comporter une solution, elle a constaté que dans les divers États représentés prédomine une tendance générale à abandonner les restitutions intégrales et à en éviter les risques par l'institution d'un entretien régulier et permanent propre à assurer la conservation des édifices.
Au cas où une restauration apparaît indispensable par suite de dégradations ou de destruction, elle recommande de respecter l'oeuvre historique et artistique du passé, sans proscrire le style d'aucune époque.
La Conférence recommande de maintenir l'occupation des monuments qui assure la continuité de leur vie en les consacrant toutefois à des affectations qui respectent leur caractère historique ou artistique.
II. - Administration et législation des monuments historiques
La Conférence a entendu l'exposé des législations dont le but est de protéger les monuments d'intérêt historique, artistique ou scientifique appartenant aux différentes nations.
Elle en a unanimement approuvé la tendance générale qui consacre en cette matière un certain droit de la collectivité vis-à-vis de la propriété privée.
Elle a constaté que les différences entre ces législations provenaient des difficultés de concilier le droit public et les droits des particuliers.
En conséquence, tout en approuvant la tendance générale de ces législations, elle estime qu'elles doivent être appropriées aux circonstances locales et à l'état de l'opinion publique, de façon à rencontrer le moins d'opposition possible, en tenant compte aux propriétaires des sacrifices qu'ils sont appelés à subir dans l'intérêt général.
Elle émet le voeu que dans chaque État l'autorité publique soit investie du pouvoir de prendre, en cas d'urgence, des mesures conservatoires.
Elle souhaite vivement que l'Office international des Musées publie un recueil et un tableau comparé des législations en vigueur dans les différents États et les tienne à jour.
III. - La mise en valeur des monuments
La Conférence recommande de respecter, dans la construction des édifices le caractère et la physionomie des villes, surtout dans le voisinage des monuments anciens dont l'entourage doit être l'objet de soins particuliers. Même certains ensembles, certaines perspectives particulièrement pittoresques, doivent être préservés. Il y a lieu aussi d'étudier les plantations et ornementations végétales convenant à certains monuments ou ensembles de monuments pour leur conserver leur caractère ancien.
Elle recommande surtout la suppression de toute publicité, de toute présence abusive de poteaux ou fils télégraphiques, de toute industrie bruyante, même des hautes cheminées, dans le voisinage des monuments d'art ou d'histoire.
IV. - Les matériaux de restauration
Les experts ont entendu diverses communications relatives à l'emploi des matériaux modernes pour la consolidation des édifices anciens.
Ils approuvent l'emploi judicieux de toutes les ressources de la technique moderne et plus spécialement du ciment armé.
Ils spécifient que ces moyens confortatifs doivent être dissimulés sauf impossibilité, afin de ne pas altérer l'aspect et le caractère de l'édifice à restaurer.
Ils les recommandent plus spécialement dans les cas où ils permettent d'éviter les risques de dépose et de repose des éléments à conserver.
V. - Les dégradations des monuments
La Conférence constate que, dans les conditions de la vie moderne, les monuments du monde entier se trouvent de plus en plus menacés par les agents atmosphériques.
En dehors des précautions habituelles et des solutions heureuses obtenues dans la conservation de la statuaire monumentale par les méthodes courantes, on ne saurait, étant donné la complexité des cas, dans l'état actuel des connaissances, formuler des règles générales.
La Conférence recommande:
- La collaboration dans chaque pays des conservateurs de monuments et des architectes avec les représentants des sciences physiques, chimiques et naturelles, pour parvenir à des méthodes applicables aux cas différents.
- Elle recommande à l'Office international des Musées de se tenir au courant des travaux entrepris dans chaque pays sur ces matières et leur faire une place dans ses publications.
La Conférence, en ce qui concerne la conservation de la sculpture monumentale, considère que l'enlèvement des oeuvres du cadre pour lequel elles avaient été créées est "un principe" regrettable.
Elle recommande, à titre de précaution, la conservation, lorsqu'ils existent encore, des modèles originaux et à défaut, l'exécution de moulages.
VI. - La technique de la conservation
La Conférence constate avec satisfaction que les principes et les techniques exposés dans les diverses communications de détail s'inspirent d'une commune tendance, à savoir:
Lorsqu'il s'agit de ruines, une conservation scrupuleuse s'impose, avec remise en place des éléments originaux retrouvés (anastylose) chaque fois que le cas le permet; les matériaux nouveaux nécessaires à cet effet devraient être toujours reconnaissables. Quand la conservation des ruines mises au jour au cours d'une fouille sera reconnue impossible, il est conseillé de les ensevelir à nouveau, après bien entendu avoir pris des relevés précis.
Il va sans dire que la technique et la conservation d'une fouille imposent la collaboration étroite de l'archéologue et de l'architecte.
Quant aux autres monuments, les experts ont été unanimement d'accord pour conseiller, avant toute consolidation ou restauration partielle, l'analyse scrupuleuse des maladies de ces monuments. Ils ont reconnu en fait que chaque cas constiuait un cas d'espèce.
VII. La conservation des monuments et la collaboration internationale
a) Coopération technique et moraleLa Conférence convaincue que la conservation du patrimoine artistique et archéologique de l'humanité intéresse la communauté des États, gardien de la civilisation:
Souhaite que les États, agissant dans l'esprit du Pacte de la Société des Nations, se prêtent une collaboration toujours plus étendue et plus concrète en vue de favoriser la conservation des monuments d'art et d'histoire;
Estime hautement désirable que les institutions et groupements qualifiés puissent, sans porter aucunement atteinte au droit public international, manifester leur intérêt pour la sauvegarde de chefs-d'oeuvre dans lesquels la civilisation s'est exprimée au plus haut degré et qui paraîtraient menacés;
Émet le voeu que les requêtes à cet effet, soumises à l'organisation de Coopération intellectuelle de la Société des Nations, puissent être recommandées à la bienveillante attention des États.
Il appartiendrait à la Commission internationale de Coopération intellectuelle, après enquête de l'Office international des Musées et après avoir recueilli toute information utile, notamment auprès de la Commission nationale de Coopération intellectuelle intéressée, de se prononcer sur l'opportunité des démarches à entreprendre et sur la procédure à suivre dans chaque cas particulier.
Les membres de la Conférence, après avoir visité, au cours de leurs travaux et de la croisière d'études qu'ils ont pu faire à cette occasion, plusieurs parmi les principaux champs de fouilles et les monuments antiques de la Grèce, ont été unanimes à rendre hommage au gouvernement Hellénique qui, depuis de longues années, en même temps qu'il assurait lui-même des travaux considérables, a accepté la collaboration des archéologues et des spécialistes de tous les pays.
Ils y ont vu un exemple qui ne peut que contribuer à la réalisation des buts de coopération intellectuelle dont la nécessité leur était apparue au cours de leurs travaux.
b) Le röle de l'éducation dans le respect des monumentsLa Conférence, profondément convaincue que la meilleure garantie de conservation des monuments et oeuvres d'art leur vient du respect et de l'attachement des peuples eux-mêmes.
Considérant que ces sentiments peuvent être grandement favorisés par une action appropriée des pouvoirs publics.
Émet le voeu que les éducateurs habituent l'enfance et la jeunesse à s'abstenir de dégrader les monuments quels qu'ils soient, et leur apprennent à se mieux intéresser, d'une manière générale, à la protection des témoignages de toute civilisation.
c) Utilité d'une documentation internationaleLa Conférence émet le voeu que:
- Chaque État, ou les institutions créées ou reconnues compétentes à cet effet, publient un inventaire des monuments historiques nationaux, accompagné de photographies et de notices;
- Chaque État constitue des archives où seront réunis tous les documents concernant ses monuments historiques;
- Chaque État dépose à l'Office international des Musées ses publications;
- L'Office consacre dans ses publications des articles relatifs aux procédés et aux méthodes générales de conservation des monuments historiques;
- L'Office étudie la meilleure utilisation des renseignements ainsi centralisés.