Les Cimetieres

La propagation du christianisme et la mise en place de structures déterminées par l’Eglise entraîne un changement d’attitude vis-à-vis de la mort et du mode de sépulture dès le haut Moyen Âge. Les chrétiens abandonnent l’incinération et les cimetières situés loin des agglomérations pour les aménager dans et les églises et leurs alentours en plein coeur des villages et des cités. Cette pratique est dictée par la présence des reliques, c.-à-d. des restes de saints conservés dans les autels consacrés. Afin de mieux garantir la participation des défunts à la vie éternelle, ils sont enterrés auprès de ceux dont on est sûr qu’ils ont gagné le ciel (‘ad sanctos’). Très tôt l’espace sacré constitué par l’église et le cimetière est entouré d’une clôture afin d’empêcher les animaux d’y pénétrer d’une manière incontrôlée. De nombreux règlements fixent cette pratique.

Le lieu de sépulture situé à l’intérieur ou à l’extérieur du sanctuaire est marqué par un signe qui fait fonction de monument. Si le défunt appartient à une catégorie sociale élevée, son nom est inscrit sur le tombeau. La noblesse attache une importance considérable au culte des ancêtres, car c’est par leurs mérites que l’individu justifie ses droits et ses privilèges. Les gisants entourés d’armoiries et d’inscriptions illustrent bien cette mentalité.

Les monuments à caractère plus populaire sont nettement moins individualisés. En général ils ne comportent qu’une simple représentation symbolique, par exemple une croix ou une roue solaire, plus tard éventuellement aussi une date. Les collections et les musées conservent de petites stèles de ce genre remontant jusqu’à l’époque franque. Les exemples n’abondent pas, parce que souvent ces monuments étaient en bois et étaient mis en terre lorsqu’il fallait réoccuper la tombe. On constate cependant qu’ils étaient toujours modestes et confectionnés dans un matériau du pays, dans la partie sud du Luxembourg le grès ou le calcaire, dans la partie nord le schiste d’ardoise.

En 1782, l’empereur Joseph II interdit dans tous ses pays d’enterrer les morts à l’intérieur des agglomérations. Cette mesure, dictée par l’hygiène et l’évolution des mentalités, entraîne la création de nouveaux cimetières hors les murs, notamment dans les grandes villes. Là tous les défunts se côtoient, qu’elle qu’ait été leur origine ou leur position sociale. Comme les classes fortunées tiennent cependant à se distinguer, le cimetière devient un lieu d’ostentation : les monuments deviennent de plus en plus volumineux et opulents jusqu’à prendre la forme d’oratoires privées. S’il faut reconnaître que le désir d’individualisation a permis des réalisations remarquables au niveau de l’art funéraire, force est aussi de constater que les champs des morts ont fini par prendre l’aspect de carrières ou d’expositions de marbriers. Cette tendance s’accentue de plus en plus sous l’influence de nombreux facteurs : volonté de documenter sa position sociale ou réussite personnelle, besoin de tombeaux faciles à entretenir, standardisation de tout ce qui touche à la construction etc..

Le résultat de cette évolution sont des nécropoles complètement recouvertes de dalles et de stèles produites en série réalisées dans les matériaux les plus exotiques. Les marbres et les granits du monde entier sont représentés, la référence au paysage environnant fait totalement défaut. Les tombes traditionnelles bordées de buis et garnies de plantes à fleurs changées au rythme des saisons ont disparu. Même dans les cimetières protégés en tant que monuments où toutes les interventions sont à autoriser par le Ministre de la Culture, cette tendance est difficile à contrôler. Les monuments anciens, réalisés par des sculpteurs de la région, disparaissent faute d’intérêt. Certes, les matériaux utilisés sont parfois friables et se décomposent quand il n'y pas d’intervention appropriée. Actuellement les autorités gouvernementales essaient d’endiguer la disparition du patrimoine funéraire traditionnel en prenant en charge les frais de restauration ou en les subventionnant. Le travail le plus difficile consiste cependant à persuader le public de la valeur des monuments en cause.

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