Analyse de l’ICOMOS des propositions d’inscription 2013

(ce texte constitue l’introduction au volume des Évaluations de l’ICOMOS des propositions d’inscription de biens mixtes et culturels sur la Liste du patrimoine mondial, présenté à la 37e session du Comité du patrimoine mondial, Phnom Penh, juin 2013)

En 2013, l’ICOMOS a évalué 41 biens proposés pour inscription.

Il s’agit de :
21 nouvelles propositions
4 propositions renvoyées
2 propositions différées
2 extensions
12 modifications « mineures »/créations de zone tampon

La répartition géographique est la suivante :

Europe et Amérique du Nord
Total : 22 propositions, 13 pays

11 nouvelles propositions
2 renvoyées
1 différée
7 modifications « mineures »/créations zone tampon
(19 biens culturels, 3 biens mixtes)

Amérique latine et Caraïbes
Total : 0

États arabes
Total : 2 propositions, 2 pays

1 renvoyée
1 modification « mineure »/création zone tampon
(2 biens culturels)

Afrique
Total : 4 propositions, 4 pays

3 nouvelles propositions
1 extension
(2 biens mixtes, 2 biens culturels)

Asie-Pacifique

Total : 13 propositions, 10 pays

7 nouvelles propositions1 différée
1 renvoyée
4 modifications « mineures »/créations zone tampon
(13 biens culturels)


1 Qualité et complexité des dossiers de proposition d’inscription

Dans l’ensemble, l’ICOMOS note que les propositions d’inscription sont de plus en plus complexes, et ce parfois au détriment de la clarté ou de la cohérence des dossiers.

Certaines propositions d’inscription gagneraient à bénéficier d’un temps de préparation plus long, afin de faire aboutir par exemple le processus d’une protection juridique, finaliser un plan de gestion ou développer des recherches supplémentaires.

L’ICOMOS espère que la publication du Manuel d’orientations pour la préparation des propositions d’inscription, dont la version électronique est désormais disponible sur son site web et celui du Centre du patrimoine mondial, aidera les États parties à améliorer la qualité des dossiers de proposition d’inscription.  

Dans l’ensemble, les parties les plus faibles des dossiers de propositions d’inscription sont le plus souvent l’analyse comparative, l’intégrité et/ou le suivi.

Dans l’évaluation des analyses comparatives incluses dans les dossiers de propositions d’inscription, l’ICOMOS examine la méthodologie utilisée par l’État partie et la pertinence des exemples fournis en utilisant les paramètres suivants. Les comparaisons doivent être faites avec des biens exprimant les mêmes valeurs que le bien proposé pour inscription à l’intérieur d’une zone géoculturelle définie. Les valeurs doivent par conséquent être clairement définies et le cadre géoculturel doit être déterminé en fonction de ces valeurs. Les comparaisons doivent être faites avec des biens comparables déjà inscrits sur la Liste du patrimoine mondial et avec d’autres exemples au niveau national et international dans la zone géoculturelle.

Sur la base de ce qui précède, l’ICOMOS indique si l’analyse comparative est complète ou non et si elle permet d’envisager l’inscription du bien sur la Liste du patrimoine mondial ou non.

Si la proposition d’inscription est considérée comme incomplète ou insuffisante selon les paramètres indiqués ci-avant, l’ICOMOS demande des informations complémentaires à l’État partie, vérifie ses propres études thématiques et les informations disponibles relatives aux biens déjà évalués, inscrits sur la Liste du patrimoine mondial ou figurant sur les listes indicatives, et consulte son réseau d’experts pour améliorer la compréhension de la proposition d’inscription. 

L’ICOMOS rappelle qu’il évalue les biens sur la base des informations fournies dans les propositions d’inscription (les dossiers) et sur la base de vérifications sur place et d’études complémentaires. De même, il évalue la protection, la conservation et la gestion du bien au moment de la proposition d’inscription et non à un moment indéfini du futur lorsque les lois et plans de gestion auront été adoptés. L’ICOMOS se doit d’indiquer au Comité si une protection et une gestion appropriées sont en place avant l’inscription.


2 Évaluations de l’ICOMOS

L’objectif de l’ICOMOS est la conservation, la protection et la présentation à long terme du patrimoine culturel, que celui-ci soit de valeur universelle exceptionnelle ou non. C’est pourquoi, dans la formulation de ses recommandations, l’ICOMOS vise à fournir le plus de conseils possibles aux États parties, quelle que soit la recommandation finale qui est proposée.

L’ICOMOS est conscient du fait qu’il ne peut satisfaire tout le monde. Soumis à des pressions considérables n’émanant pas uniquement des États parties, il rappelle qu’il se doit de rester objectif, rigoureux et scientifique et que son premier devoir demeure celui de la conservation des biens.


3 Renforcement du dialogue avec les États parties

L’envoi de demande d’information complémentaire s’est fait en amont du processus d’évaluation.

L’organisation de la réunion de la Commission du patrimoine mondial de l’ICOMOS s’est tenue au début du mois de décembre 2012, afin de pouvoir envoyer des lettres de demande d’information complémentaire en décembre, et de laisser du temps aux États parties pour y répondre.

Les réponses apportées par les États parties ont pu dans de nombreux cas confirmer ou contribuer à l’adoption des recommandations finales adoptées par l’ICOMOS.


4 Renvoyés - Différés

À la demande du Comité du patrimoine mondial, l’ICOMOS et l’UICN ont présenté à la 34e session de Brasilia un document d’information sur les processus, les points de référence et les contraintes de temps résultant des décisions sur le renvoi et l’examen différé d’une proposition d’inscription.

L’ICOMOS renouvelle ses inquiétudes quant aux difficultés posées par un changement de recommandation d’un « différé » pour un « renvoyé », qui ne permet pas aux organisations consultatives d’effectuer une évaluation appropriée de propositions d’inscription souvent entièrement nouvelles.

L’ICOMOS a par ailleurs effectué deux missions de conseil dans le cadre de biens « renvoyés » à la demande du Comité du patrimoine mondial à sa 36e session. Ce processus n’est pas couvert par les Orientations et sa mise en œuvre peut s’avérer complexe.

Dans ses recommandations, l’ICOMOS distingue clairement les biens dont la recommandation est d’être renvoyés de ceux dont la recommandation est d’être différés. Pour les biens renvoyés, la valeur universelle exceptionnelle, du point de vue de l’ICOMOS, a été démontrée ; des informations complémentaires doivent être fournies mais celles-ci ne nécessiteront pas une nouvelle mission d’évaluation technique. Pour les biens différés, la nature même des informations demandées (une étude plus approfondie, un réexamen des délimitations, une demande de révision substantielle ou des lacunes sérieuses en termes de gestion et de conservation) nécessite une nouvelle mission et un examen par l’ensemble de la Commission du patrimoine mondial de l’ICOMOS afin d’évaluer à nouveau la proposition d’inscription et s’assurer qu’elle bénéficie de toute la considération nécessaire à son avancement.


5 Modifications « mineures » des délimitations

Le nombre de ces demandes a augmenté de façon considérable. Elles émanent soit du suivi réactif, soit de l’inventaire rétrospectif ou du rapport périodique.

L’examen de ces demandes requiert de l’ICOMOS un travail d’analyse de la proposition d’inscription initiale, des rapports d’état de conservation et des décisions antérieures du Comité du patrimoine mondial, de recherche, de consultations et d’analyse considérable. Cette année, plusieurs demandes de modifications mineures ont été introduites par les États parties en marge d’un rapport d’état de conservation ou de l’inventaire rétrospectif. Afin d’en garantir l’examen dans les conditions les plus favorables, l’ICOMOS invite les États parties à soumettre une demande séparée selon les procédures prévues par les Orientations devant guider la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial (annexe 11) et dans les délais impartis, soit le 1er février au plus tard.

L’ICOMOS constate par ailleurs que toutes les modifications des délimitations d’un bien et de sa zone tampon sont proposées comme des modifications « mineures », même lorsqu’il s’agit de modifications substantielles du bien, voire, dans certains cas, d’une extension. Les Orientations considèrent les propositions de modification majeure, les extensions comme les réductions, comme étant une nouvelle proposition d’inscription (paragraphe 165). L’ICOMOS recommande au Comité que cette disposition soit appliquée de manière rigoureuse et constante.

L’ICOMOS suggère par ailleurs qu’une extension du calendrier d’évaluation de ces demandes soit envisagée pour correspondre au calendrier en vigueur pour les nouvelles propositions d’inscription, ce qui permettrait la possibilité d’un dialogue et d’un échange d’informations avec les États parties.


6 Propositions d’inscription en série et extensions

L’ICOMOS rappelle que les Orientations de novembre 2011 (paragraphe 137) ont validé un changement dans l’approche des biens en série. Les propositions d’inscription en série ne doivent pas être un catalogue de sites, mais plutôt un ensemble de sites liés en termes culturels, sociaux ou fonctionnels de façon spécifique et au fil du temps, et où chaque site contribue de façon significative à la valeur universelle exceptionnelle de l’ensemble du bien.

L’ICOMOS encourage les États parties à prendre connaissance des implications de ce changement dans la préparation de propositions d’inscription en série.

Cette année, l’ICOMOS a examiné 9 propositions d’inscription en série incluant 93 monuments, ensembles et sites. Ces propositions d’inscription exigent un investissement plus important en termes de ressources humaines et financières à tous les niveaux de l’évaluation des biens. En raison de l’augmentation du nombre de propositions en série, cette question devra être prise en compte dans les budgets et contrats. De plus, l’ICOMOS note qu’il existe aussi des pressions au niveau du calendrier en raison de l’ampleur et de la complexité des tâches d’évaluation que réclament ces propositions d’inscription en série, et réitère sa suggestion relayée dans le rapport Jade Tabet[1] que le Comité du patrimoine mondial envisage un calendrier étendu pour l’examen de celles-ci.

Un format d’évaluation spécifique a été mis au point en 2009 pour les propositions d’extension et d’inscription en série. L’ICOMOS explicite au Comité les questions qu’il pose en lien avec la nature des propositions d’inscription en série :

a) Quelle est la justification d’une approche en série ?

b) Comment les sites choisis ont-ils été sélectionnés ? Quel est le rapport de chacun d’eux avec la valeur universelle exceptionnelle globale du bien ?

c) L’analyse comparative justifie-t-elle le choix des biens ?

d) Les éléments constitutifs du bien sont-ils reliés par leur fonction ?

e) Y a-t-il un cadre de gestion global pour tous les éléments ?

Les réponses à ces questions ont été intégrées au format de l’évaluation dans les chapitres correspondants.  


7 Projets de développement

Afin de répondre à la nécessité croissante d’identifier les projets de développement pendant le cycle d’évaluation, l’ICOMOS a introduit dans ses lettres envoyées aux États parties une question spécifique pour attirer l’attention sur tout projet éventuel de développement à l’intérieur d’un bien proposé pour inscription ou dans son voisinage afin de recevoir une information complète concernant ces projets potentiels. Cette mesure a été mise en place pour répondre à l’inquiétude croissante du Comité du patrimoine mondial au sujet des plans et projets de développement. L’ICOMOS réitère sa suggestion que, pendant la procédure d’évaluation des propositions d’inscription, le Comité applique des dispositions similaires à celles qui sont stipulées au paragraphe 172, invitant les États parties à informer le Comité de « leurs intentions d'entreprendre ou d'autoriser, dans une zone protégée par la Convention, des restaurations importantes ou de nouvelles constructions, qui pourraient modifier la valeur universelle exceptionnelle du bien […] ».

L’ICOMOS rappelle qu’il a préparé des Orientations sur les études d’impact pour les biens culturels du patrimoine mondial, qui ont été mises à la disposition du Comité du patrimoine mondial lors de sa 34e session et peuvent être consultées sur son site web. Ces Orientations ont été traduites dans plusieurs langues et l’ICOMOS encourage les États parties à les utiliser.


8  Questions de calendrier et d’organisation du temps

L’ICOMOS travaille de plus en plus sous la pression du temps en raison du nombre croissant de propositions d’inscription complexes (biens en série et paysages culturels). De plus, par le passé, les informations complémentaires reçues des États parties étaient examinées après la réunion du Bureau du Comité du patrimoine mondial qui avait lieu en juin-juillet, à la suite du processus d’évaluation initial des propositions d’inscription. Aujourd’hui, cet examen s’effectue pendant la période d’évaluation elle-même bien en amont de la réunion du Comité du patrimoine mondial.


9 Processus en amont

L’ICOMOS, à la demande du Comité du patrimoine mondial, a participé à l’élaboration d’études de faisabilité sur 10 projets pilotes sélectionnés en collaboration avec le Centre du patrimoine mondial et a contribué à l’avancement de la mise en œuvre de ces projets. Malheureusement, faute de ressources, l’ICOMOS n’a pas pu revoir et fournir un avis sur certains projets de propositions d’inscription reçus par le Centre au 30 septembre 2012.

Comme cela a été souligné au cours de la réunion « The World Heritage Convention : Thinking Ahead », organisée les 2 et 3 octobre 2012, l’ICOMOS est disposé à mettre son expertise au service du développement du processus en amont dans la préparation et le suivi de dossiers de proposition d’inscription, en fonction des ressources disponibles.

Les activités dans lesquelles l’ICOMOS a été impliqué dans ce cadre (missions de conseils, réunions, consultations) organisées suffisamment en amont ont d’ores et déjà eu des résultats positifs pour certaines propositions d’inscription.


10  Gestion intégrée dans les réserves naturelles

L’ICOMOS constate dans ses évaluations de biens situés dans des réserves naturelles (biens mixtes ou paysages culturels) un déséquilibre fréquent, par rapport aux éléments naturels, dans la prise en compte des valeurs et éléments culturels par les outils de conservation et de gestion de ces réserves. Aussi, il serait souhaitable que la gestion intégrée des éléments et valeurs naturels et culturels soit renforcée.


[1]Tabet J., Examen des méthodes de travail et des procédures de l’ICOMOS pour l’évaluation des biens culturels et mixtes proposés pour inscription sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, Paris, ICOMOS, 2010.